Espanès. L’église Saint-Martin.

26 Mai, 2023 | Actus, Histoire

Egrainant les parties de la journée au son de ses deux cloches, l’église Saint Martin d’Espanès est un des éléments fondamental du cœur d’Espanès. C’est vers la fin des années 1980, que le sonneur de cloche a d’ailleurs été remplacé par un système électrique qui agit sur les deux cloches du « premier étage » du clocher et ainsi continue à faire partie intégrante de l’identité sonore du village.

Mais cette église n’est plus toute jeune et a déjà fait l’objet de réparations multiples, sans compter les modifications et les agrandissements.

La première mention historique d’une église à Espanès se situe en 1272, dans le Livre du Prévôt de l’archiprétré de Gardouch. Sa redevance s’y élevait à 14 deniers annuels, c’est-à-dire parmi les plus pauvres. Cette inscription dans la liste des églises montre qu’une église existait déjà à cette époque alors que la localité s’appelait « Spanesio », nom qui était déjà le sien au moment de l’annexion du comté de Toulouse par le roi de France en 1271 suite à l’assassinat du légat pontifical Pierre de Castelnau qui déclencha la croisade des albigeois.

Elle est ensuite connue en 1541 pour une reconstruction dans l’enceinte du cimetière avec clocher et contreforts. Le 27 septembre 1542, les travaux de couverture ont commencé sous la responsabilité du charpentier Jean Verdomas.

A ce moment l’église était des plus simples, sans les bas-côtés. Elle n’était aussi considérée que comme une chapelle, signe qu’il s’agissait bien d’une annexe à l’église de Montbrun.En 1547, le clocher est terminé et garni de cloches, sa hauteur correspond au deuxième étage du clocher actuel. La cloche au 2ème étage côté nord date du XVIème siècle et est classée aux Monuments Historiques.

Malheureusement l’église est ruinée en 1570 par des bandes errantes d’Huguenots puis fut remise en état au XVIIe siècle.

On peut observer des vestiges de la structure d’avant ces travaux : A droite en rentrant, les fonts baptismaux occupent actuellement l’ancien porche d’accès à l’église qui a été condamné mais on peut y voir encore les colonnes du portail (1) :

Les ailes ne sont pas identifiées sur le cadastre napoléonien et ont dû être réalisées ultérieurement, ainsi que la petite sacristie.

La partie inférieure du mur du cœur a été consolidé en 1822 comme en témoigne l’inscription sur le mur côté Est (2) d’où la différence d’épaisseur du mur sur une hauteur d’environ 2 mètres.

(1)

(2)

En 1840 une mésentente entre le curé Thuries de Montbrun et le maire d’Espanès déclencha une petite révolution : le conseil municipal demanda à l’archevêque que « la commune d’Espanès soit distraite pour le spirituel de Montbrun et réuni à Corronsac ». Le conseil municipal de Montbrun refusa cette séparation mais Espanès eut finalement gain de cause et l’église fut annexée à celle de Corronsac.

En 1847 le clocher menace ruine et fut réparé pour un devis de 160 francs, le construisant dans son état actuel avec un 3ème étage.

La construction d’un presbytère est devenue indispensable pour y loger le nouveau curé en 1869, ce qui créa un conflit majeur entre la paroisse et la municipalité pour le paiement des factures associées à ces travaux, allant jusqu’au tribunal.

L’église qui n’était qu’une annexe est alors érigée en église succursale (une église succursale est une église créée afin de suppléer à l’insuffisance de l’église paroissiale), mais l’instituteur du village établissant une monographie communale déclare que l’église n’a pas le titre de chapelle vicariale alors qu’en 1681 elle était érigée en paroisse. Une lettre du préfet à l’archevêque du 12 avril 1904 pose un ultimatum : dans un délai de huit jours, la chapelle devra être pourvue d’un chaperon titulaire résidant. Les temps n’étaient pas à la patience !

La loi concernant la séparation des Églises et de l’État a été adoptée le 9 décembre 1905 après 25 ans d’un affrontement violent qui a opposé deux conceptions sur la place des Églises dans la société française.

Il n’y a rien de symétrique dans cette église, ce qui en fait son charme et sa spécificité. Par exemple, la vue prise depuis le balcon (3) montre, en se basant sur l’alignement des lustres, que le cœur part en biais vers la droite ! Ceci donne à l’ensemble une impression de « torsion ».
Et non, ce n’est pas un effet d’optique si les murs ne vous paraissent pas verticaux …!

L’église était très appréciée de ses abbés et trois d’entre eux y ont leur sépulture ; on peut identifier au seuil de l’autel une inscription
malheureusement difficile à déchiffrer et correspondant à l’un de ces abbés.

Le contenu de l’église est aussi intéressant à plus d’un titre, avec un corbillard en très bon état, un harmonium du XIXème (4) que Maël Proudom (secrétaire de l’association Carillons en Pays d’Oc) a testé et confirmé que le soufflet ne semblait pas avoir souffert du poids des années, de nombreuses statues dont celle de Saint Martin en évêque, et surtout au-dessus de l’autel tridentin une statue de la vierge à l’Enfant en bois doré de facture rustique (5) que Mme BarBier de la Commission Diocésaine d’Art Sacré conseille de faire expertiser car elle serait peut-être de l’art populaire du XVIème siècle.

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(5)

Mais, construite sans fondation, comme toutes les églises de la région, des fissures apparaissent sans doute dues aux mouvements de terrains occasionnés plus récemment par les sécheresses répétées. La fissure la plus inquiétante traverse le chœur en une ligne nord-sud passant par les deux clés de voute des deux vitraux nord et sud du chœur suivant la ligne rouge indiquée sur le plan (6).

Si l’épaisseur des murs ne donne pas l’impression d’un effondrement immédiat de la structure, (quoique l’effondrement à Saramon le 16 mars 2023 d’une tour contigüe à l’église du village prouve que des évènements dramatiques peuvent se produire sans crier gare), ces mouvements de terrain affectent la surface des murs et des morceaux de plâtre sont déjà tombés (7), heureusement, jusqu’à présent sans blesser quelqu’un ni endommager de mobilier religieux, mais le risque prépondérant de chute de plâtre des voûtes décoratives lors de manifestations rassemblant beaucoup de public (choc thermique et vibrations) n’est pas impossible. Parmi ces chûtes, par exemple dans la sacristie ou dans l’aile nord (8) qui contient le magnifique autel en marbre blanc venant d’Iran et son retable en gypserie dédié à Marie, etc..

Le risque d’effondrement de parties plus importantes de plâtre ne peut être écarté et pourrait forcer le maire à prendre un arrêté d’interdiction d’utilisation du bâtiment. N’oublions pas qu’un tel arrêté a déjà été pris pour des églises de la région comme à Noueilles ou Auzeville-Tolosane.

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(7)

(8)

Des travaux nécessitant une intervention urgente a déjà été effectuée en 2021 pour étanchéifier le toit de l’aile nord, On en a profité pour remplacer le puits de lumière qui était sensé éclairer le vitrail nord du chœur, par des tuiles transparentes permettant de mieux apprécier ce vitrail dédié à l’empereur Saint Henri II, Empereur germanique (✝ 1024), fils du duc de Bavière. (9) (10)

(9)

(10)

Pour faire l’analyse des problèmes de structure, le Conseil Municipal a contracté un cabinet d’architecte afin d’effectuer un historique de l’église, d’analyser l’état actuel en faisant des relevés permettant d’établir des plans précis du rez-de-chaussée, de la voute, de la charpente etc, puis une analyse de l’état sanitaire.

Un plan très provisoire a été effectué pour documenter le positionnement de la charpente vis-à-vis des piliers.